Vous lisez TDAH Corner — Ici, pas de promesses irréalistes ni de solutions miracles, juste un espace authentique pour parler du TDAH tel qu’il est : chiant au quotidien. On décrypte, on partage, on s’entraide, avec des conseils concrets et des idées pratiques. Retrouve-moi tous les mardis.
C’est en regardant des vidéos sur le Vendée Globe, une course à la voile autour du monde, que j’ai pensé à rédiger cette édition. Pourquoi ? Parce que quand on a un TDAH, il y a des journées où l’on se sent comme un bateau sans capitaine, emporté par les courants.
On avance, on entreprend, on commence quelque chose, puis on change d’avis, sans jamais faire ce qui importe vraiment. La journée file alors entre les doigts : on virevolte d’une idée à l’autre, d’un coin de la maison à l’autre, happé par chaque micro-tâche ou promesse de gratification instantanée. Le moindre effort nous fait changer de cap.
Le résultat ? Un sentiment de vide. L’impression d’avoir été occupé sans avancer, de perdre son temps, de se perdre en mer.
Avoir un TDAH, c’est naviguer.
Chaque matin, on largue les amarres, comme tout le monde. Pourtant, si on ne définit pas un cap précis, on se retrouve vite à la dérive, poussé par le vent de nos envies et de nos distractions. Toute nouvelle sollicitation devient une vague qui nous écarte de la route prévue. Sans plan, on n’est qu’une barque ballottée par les flots, emportée par la moindre écume de gratification instantanée.
Parfois, le vent tombe et la mer devient plate.
Notre esprit se fige. On sait précisément ce qu’on devrait faire, où on voudrait aller, mais impossible d’avancer. Comme si nos voiles étaient percées, incapables de retenir le moindre souffle. Dans ces moments-là, tout paraît insurmontable : quitter le canapé, se faire à manger, envoyer un message. Chaque tâche devient un effort colossal. On est bloqué, encalminé, dans une mer d’huile, en proie à la culpabilité.
À d’autres moments, c’est une bourrasque qui gonfle nos voiles.
On se sent invincible, on file sur l’eau, on enchaîne les tâches à une vitesse folle. Les idées fusent, et notre efficacité est presque euphorique. On bondit d’une fulgurance à une autre, avec une énergie contagieuse. Pourtant, il faut rester sur nos gardes : un coup de vent de trop et c’est la casse : le mât qui craque, la coque qui se fend. Tout s’effondre, et on se retrouve brutalement stoppé, voire naufragé.
Naviguer avec un TDAH, c’est avancer toute sa vie avec un léger vent de face.
Chaque petite chose demande plus d’énergie, comme ramer à contre-courant. On y parvient, mais chaque tâche coûte davantage. Un coût invisible, comme le vent.
Naviguer, c’est aussi apprendre à résister aux sirènes de la nouveauté.
Ces illusions envoûtantes nous font dévier de notre cap en promettant monts et merveilles. J’ai souvent succombé à leur chant hypnotique. Mais à force de dérives, on finit par comprendre que, si l’on se bouche suffisamment fort les oreilles, les chants s’estompent et l’on peut reprendre sa route.
Malgré les obstacles, on prend la mer chaque jour.
On hisse nos voiles et on trace un cap, même imparfait. En planifiant nos journées, ne serait-ce qu’un peu, on parvient à garder un semblant de direction. Comme de vrais navigateurs, on anticipe les vents, on corrige notre route au fil des imprévus et on apprend à connaître la mer. On apprend aussi à se connaître. On apprend à gérer les tempêtes et à ne pas culpabiliser quand la mer reste plate. On se fait confiance. On arrivera à bon port, même en contournant par la route des Indes.
Parfois, on atteint notre but. Parfois, on va moins loin que prévu. Mais l’essentiel, c’est que l’on ait avancé.
Naviguer avec un TDAH, c’est accepter l’imprévisible, les détours et les périodes de calme plat. C’est apprendre à ne pas se juger quand on est à l’arrêt et à savourer les moments où le vent nous porte. Chaque journée est une aventure, tantôt sereine, tantôt tumultueuse. C’est un voyage intérieur de tous les jours.
Précisément mon quotidien encore et tjs. Et en ce moment c’est plutôt l’enchaînement de bourrasques qui te laissent vide à la fin de la journée 😬. Merci pour ces mots poétiques bien trouvés !
Bonsoir Julien,
Merci mille fois pour cette neswletter ( et les autres.😉)cela m'a beaucoup aidé car c'est exactement ce que je traverse en ce moment. ( plus particulièrement...)
Grâce à toi, j'ai pu lire un passage de celle-ci à ma généraliste hier lors de ma visite, et pu l'envoyer à des proches. Car avec un TDAH, le quotidien n'est pas toujours évident à gérer. C'est un trouble tellement complexes que même si j'en parle régulièrement autour de moi ce n'est pas facile à décrire.
Et j'aime beaucoup la métaphore avec les Vents du Globes.☺
Bonne soirée.