#26 🎭 Camoufler son TDAH au quotidien (masking).
Le masking, l’épuisant rôle de la normalité.
Vous lisez TDAH Corner — Ici, pas de promesses irréalistes ni de solutions miracles, juste un espace authentique pour parler du TDAH tel qu’il est : chiant au quotidien. On décrypte, on partage, on s’entraide, avec des conseils concrets et des idées pratiques. Retrouve-moi tous les mardis.
Alors, cette édition est un peu plus longue que d’habitude. J’ai pris beaucoup de plaisir à l’écrire, sans doute motivé par un sujet que je trouve passionnant, mais aussi parce que la barre des 600 abonnés à la newsletter a été franchie (merci !) ainsi que les (quasi) 10 000 visiteurs sur le site en janvier ! 🎉
Alors cette semaine on parle du masking, un mécanisme bien connu en psychologie et sociologie et qui concerne aussi beaucoup les TDAH. Sans t’en rendre compte, tu es peut-être concerné et tu vas mieux comprendre l’une des raisons pour lesquelles la neurodiversité est source de fatigue.
Le masking, c’est quoi ?
Le masking, aussi appelé camouflage social, est un comportement défensif dans lequel l’individu cache sa personnalité ou son comportement naturel.
Comme tu l'as lu en intro, c’est particulièrement courant chez les personnes avec un TDAH (ou d'autres neuroatypies), qui adoptent des comportements jugés "socialement acceptables" pour mieux s’intégrer et créer des liens.
Cela signifie souvent camoufler ses symptômes et copier les comportements de ceux qui n’ont pas ce type de fonctionnement cognitif.
Faire semblant d’être concentré dans une conversation alors qu’on a décroché depuis longtemps. (Perso, j’ai un hochement de tête automatique pour simuler l’attention.)
Rester silencieux dans une discussion parce qu’on a peur de dire quelque chose d’inapproprié ou de trop parler en réunion par exemple.
Réprimer son énergie pour ne pas paraître trop agité.
Se forcer à ne pas bouger, ne pas jouer avec un stylo, ne pas remuer une jambe.
Garder ses émotions sous contrôle, même quand on bouillonne à l’intérieur.
Se concentrer intensément sur chaque échange pour ne pas perdre le fil.
Avoir des tendances au perfectionnisme, s’imposer des standards élevés et s’épuiser à vouloir tout bien faire.
Vérifier en permanence ses affaires : clés, téléphone, portefeuille… juste pour être sûr de ne rien avoir oublié.
Arriver très en avance aux rendez-vous pour éviter le stress d’être en retard.
Évidemment, cette liste est incomplète, alors n’hésite pas à partager en commentaire si tu en vois d’autres.
Pourquoi c’est épuisant ?
Imagine un acteur qui joue un rôle intense. Il a un script, des dialogues écrits et peut refaire les scènes. Pourtant, même avec ces repères, il finit sa journée vidé.
Le masking, c’est la même chose que jouer un rôle, à la différence près que l’un est conscient et voulu, tandis que l’autre est inconscient et sert de moyen de protection. C’est comme si tu jouais ton propre rôle dans un film autobiographique… sauf que ton personnage n’a pas de TDAH. Et tout cela, sans script, en totale improvisation, à chaque seconde de tes journées.
Pour ma part le masking intervient beaucoup en situation professionnelle. Mais aussi dans des situations où je ne dois pas bouger, l’avion ou le cinéma par exemple.
Ce n’est donc pas tout le temps, ça dépend des situations. Mais quand tu es en mode camouflage, tu es en représentation constante, toujours en train d’ajuster ton comportement, de contrôler tes réactions. Tu es en tension permanente. Ce sont de petites adaptations, mais accumulées sur une journée entière, elles épuisent.
Cate Blanchett : "Playing a role can be utterly exhausting. You put yourself in someone else's shoes, their mind, their emotions. And sometimes, it's hard to step out of that."*
(*Traduction : "Jouer un rôle peut être totalement épuisant. Vous vous mettez à la place de quelqu'un d'autre, dans son esprit, dans ses émotions. Et parfois, il est difficile d’en sortir.")
Une situation concrète
Déjeuner de travail dans un petit resto parisien bondé, à l’heure de pointe. Ma cheffe est en face, deux petites tables serrées de chaque côté, le brouhaha ambiant, les conversations qui fusent. Et moi, en pleine performance, je donne tout pour masquer mes difficultés.
Je m’efforce de dissimuler l’effort constant qu’exige le simple fait de suivre notre discussion. Je souris, je me concentre sur ses paroles et je hoche la tête mécaniquement pour masquer un éventuel décrochage. À la table de gauche, ils parlent fort… et c’est intéressant.
Pour rester concentré, je plisse les yeux et me penche légèrement en avant, comme pour créer une bulle protectrice autour de notre table. Mes jambes sont fermement ancrées dans le sol pour m’empêcher de bouger les pieds.
Au final, une heure de “pause” déjeuner… et je suis épuisé.
Alors, comment faire ?
Déjà, en avoir conscience, c’est un premier pas. Cela permet, par exemple, de relativiser et de déculpabiliser si, après la “pause” déjeuner, tu n’as plus l’énergie de faire quoi que ce soit, comme dans mon exemple.
Reconnaître cet effort, s’autoriser à lâcher prise quand c’est possible, s’entourer de personnes qui comprennent et acceptent les différences… c’est un premier pas vers moins de fatigue.
Et enfin, garder à l’esprit que l’on n’est jamais totalement soi-même en société : nous jouons tous un rôle. Mais certains rôles sont plus exigeants que d’autres, même lorsqu’il ne s’agit que d’accomplir des choses ordinaires.
Car ce n’est pas tant l’action en elle-même qui épuise, mais l’effort invisible qu’elle demande : s’oublier, perdre en spontanéité, surveiller chaque geste, chaque mot, pour se protéger. Pour ne pas être rejeté. Pour rentrer dans la case de la majorité, normalité.
Et c’est bien ça, le plus exténuant : ce n’est pas tant jouer un rôle, c’est de ne jamais pouvoir en sortir. De mon expérience, ce qui me fait du bien, c’est passer du temps avec des personnes avec qui je peux enfin être moi-même, sans effort.
C’est tout pour cette semaine.
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🫂
Tellement compliqué dans le milieu professionnel, donne une image peu sérieuse, infantile…